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Channel: Hell Hina - Le Webzine Poivré
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Varsovie – Interview

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Entrevue avec l’un des rares groupes de rock français à proposer aujourd’hui de la musique à la fois percutante et nostalgique.

Hell Hina – Qu’avez-vous fait depuis la sortie d’État Civil ? Je sais que vous avez donné des concerts à Paris comme à l’étranger, mais vous êtes vous seulement concentré sur le nouvel album ?

Arnault Destal – Seulement non, puisque l’on travaille à côté. Sinon, pas mal de concerts en France et en Europe oui, mais aussi l’enregistrement au Drudenhaus d’une adaptation de Nowa Aleksandria du groupe polonais Siekiera et enfin la composition des nouveaux titres.

Nous avons aussi perdu du temps avec les changements de bassistes – six depuis le début du groupe. Trouver quelqu’un qui colle, ait le niveau, la motivation, la flexibilité, n’est pas si facile, dans notre coin en tout cas. Sans compter les écueils question fric. On a d’ailleurs fini par faire « L’Heure et la Trajectoire » à deux. Donc aussi pas mal de temps perdu à en perdre.

Hell Hina – Où est passé Yan, qui jouait notamment dans Monaco Monaco ?

Arnault Destal – À Lyon. Nous nous sommes séparés principalement pour des raisons de temps, de distance et de programme, mais il réintègre parfois les rangs sur certains concerts.

Hell Hina – Vous étiez notamment au Divan du Monde en compagnie de The CNK, ces derniers figurent également en tête des remerciements de votre dernier album. Quelle relation avez-vous avec le groupe, et comment les avez-vous rencontrés ? Comment d’ailleurs s’est déroulé ce concert ?

Arnault Destal – J’ai connu Hreidmarr dans les années 90, du temps de Forbidden Site et alors qu’il était déjà dans The CNK, avant qu’il n’intègre Anorexia Nervosa. Nous sommes donc amis de longue date et nous voyons régulièrement, mais aussi avec les ex-Anorexia Nervosa. C’est d’ailleurs encore Benoit – Neb Xort – qui a enregistré notre dernier album.

Hell Hina – Vous dîtes modestement parler de thèmes universels et classiques, pourtant je trouve que vous les évoquez via des personnages et un champ lexical très recherché. Comment tombez-vous par exemple sur des figures historiques peu connues telles que Lydia Litvak, et comment les reliez-vous à votre parcours personnel ?

Arnault Destal – Par des lectures la plupart du temps. Je suis tombé sur Lydia Litvak il y a un moment et c’est souvent ainsi que ça se passe, je garde certaines figures dans un coin de ma tête parce que ce qu’elles représentent est fort, intrigant et accessoirement pourra s’intégrer à Varsovie. Un jour ou l’autre une image revient et s’impose. Il faut surtout que ça ait un sens. Que ça relève d’une certaine évidence.

Cela dit, le morceau Lydia Litvak ne parle pas directement de l’aviatrice, mais de quelqu’un qui se projetterait à travers son exemple, en réaction à ce qui l’entoure. Certaines de ces existences font échos à des vertiges, des frustrations, des moments de grâce, mais aussi à des envies d’en découdre, d’une façon ou d’une autre. Voilà comment certaines figures se retrouvent dans nos chansons.

Hell Hina – Ces figures historiques proviennent généralement de l’Est (il y avait déjà Sergueï Essénine), pourquoi ?

Arnault Destal – Il y a peut-être un côté excessif qui fait un peu défaut à notre Ouest et qui reste assez fascinant dans l’Est. Une façon de vivre et de voir les choses un peu plus radicale et passionnée. Souvent dans une dynamique tragique. Et certaines personnalités remarquables qui ont pu se distinguer dans un contexte plus qu’hostile. Une atmosphère, des paysages… Pas mal de raisons de s’y intéresser en fait.

Cela dit, il n’y en a pas que pour l’Est chez nous. On croise aussi les fantômes de Drieu la Rochelle, Jacques Rigaut, Arthur Schnitzler, Cesare Pavese, F.S. Fitzgerald ou encore Roger Nimier à travers Sunsiaré.

Hell Hina – Qui est la fille de la pochette de l’album ?

Arnault Destal – Une copine aux airs très varsoviens photographiée par Olivia Rodrigue.

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Hell Hina – Le chant a beaucoup changé sur ce nouvel album, il y a beaucoup moins de cris notamment. Comment expliques-tu cette tournure ?

Arnault Destal – Je n’ai pas l’impression que le chant de Greg ait tant changé. Au pire, je dirais qu’il est mieux, un peu moins lyrique, un peu plus froid, un peu plus incisif. Disons, qu’il n’est peut-être pas exactement le même que sur le précédent, mais vu que le deuxième album non plus n’est pas exactement le même, sans pour autant être à des kilomètres du premier. De toute façon, nous ne sommes ni pour le changement ni pour la répétition. La vérité doit se situer quelque part entre les deux.

Hell Hina – Avec le recul, comment voyez-vous État Civil?

Arnault Destal – Plutôt bien. On aurait toujours des trucs à améliorer si on pouvait et si on devait s’y remettre aujourd’hui, mais pas de regrets majeurs en tout cas.

Hell Hina – Je pense avoir lu que vous bossiez déjà sur le prochain opus, pouvez-vous nous en dire plus ?

Arnault Destal – Greg a déjà en stock pas mal de riffs de guitare et de basse et moi quelques pages de textes et des lignes vocales. On commence à trier ce qui mérite d’être épargné ou pas, quand on peut. J’intègre des rythmes sur les riffs qu’il transforme et torture en fonction. On sélectionne et on met le reste au purgatoire.

On a une façon un peu anarchique de bosser, même si le boulot est au départ très cloisonné, surtout en ce qui concerne la matière première : riffs / textes. On fait ensuite tourner avec notre nouveau bassiste, Stéphane, et on retranche encore, suivant ce que ça donne, tout en préparant des sets pour les concerts à venir. À première vue, le prochain album devrait encore être du Varsovie.

Hell Hina – J’ai également vu qu’Arnault fut rédacteur pour Librairing et Boojum, de quoi s’agit-il ?

Arnault Destal – Il s’agissait de magazines littéraires dirigés par Loïc di Stefano et dont l’un était associé à RING et où je rédigeais des chroniques de livres, anciens et contemporains.

Je l’ai d’ailleurs suivi au Salon Littéraire, même si je n’ai plus trop le temps d’y être en ce moment, mais où se trouvent encore la plupart de mes chroniques.

Hell Hina – Arnault, comment fais-tu pour nourrir ton panel large de découvertes musicales ? Te balades-tu chez les disquaires, tu creuses sur le net ?

Arnault Destal – Je ne cherche pas à connaître des milliers de groupes, mais à trouver ceux dont j’ai besoin pour affronter le quotidien disons. J’ai commencé à traquer de la musique à travers des fanzines papiers, des obscures listes de distribution, des compilations cassettes pourries, des émissions de radio locales, du trade par correspondance avec des timbres bouffés par la colle, que ce soit dans le black-métal ou le post-punk.

Découvrir de la musique via Internet semble aujourd’hui facile comparé à ces temps archaïques, d’autant que les risques de se planter sont moindres. L’investissement aussi est moindre, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle.

Hell Hina – Qu’appréciez-vous chez Peste Noire ? Les connaissez-vous personnellement ?

Arnault Destal – C’est bien foutu, c’est franc-tireur, rabelaisien, exigeant et ça a de la gueule. Et puis c’est un groupe qui marque son temps sans chercher à se faire aimer à tout prix. Quand certains sont dans la décoration, remplissent une case, copient à l’identique au gré des revivals en caressant leur époque dans le sens du poil, d’autres avancent au mépris de ces facteurs et font leur truc. Ce sont généralement ces derniers qui nous touchent, tous styles confondus, et ceux-là qui restent dans les mémoires. On s’est rencontré, mais on ne se connaît pas plus que ça.

Hell Hina – Comment qualifieriez-vous la musique de ROME ?

Arnault Destal – Mélancolique, fatale et contrariée.

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Hell Hina – Que pensez-vous du groupe Fauve ?

Arnault Destal – Absolument rien.

Hell Hina – Êtes-vous Charlie ?

Arnault Destal – Le problème est que ce slogan est devenu un fourre-tout et le mot d’ordre de ceux-là même qui ont permis à la situation d’empirer, de pourrir sur des années. Alors si être Charlie c’est déplorer le sort des victimes des attentats, trouver ça absurde et abject, et penser que notre pseudo liberté d’expression, ou du moins que notre mode de vie ou ce qu’il en reste n’est pas censé être négociable, alors oui, je le suis.

Mais si être Charlie c’est succomber à un effet de mode qui clame tout et le contraire de tout ou découvrir la Lune du jour au lendemain, alors non, je ne le suis pas.

Quant à la liberté d’expression supposée, qui fonctionnait déjà à deux trois vitesses, on constate bien que tout cela est encore beaucoup plus mal barré qu’avant, malgré les contorsions et les slogans de rigueur.

Hell Hina – Ça fait quoi d’avoir une si belle écriture et une musique qui sort des sentiers battus dans le paysage actuel ? Est-ce une fierté, est-ce un fardeau ?

Arnault Destal – On est toujours fier quand on sort l’album que l’on voulait faire, celui que l’on avait en tête dans les grandes lignes et sur lequel on a misé, parfois au point de mettre en pièces à peu près tout le reste, ce qui techniquement peut donc devenir un fardeau, mais un fardeau qu’on s’est choisi, alors tant pis pour nous et merci pour le compliment.


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